Le partenariat scientifique au cœur de l’agriculture méditerranéenne

Plaidoyer 24 avril 2025
Gestion des ressources hydriques, diversité cultivée, jeunesse rurale… Les grandes problématiques de l’agriculture marocaine sont aussi celles de l’agriculture méditerranéenne. Des défis communs qui imposent un renforcement du partenariat scientifique au niveau régional. Tandis que le Salon international de l’agriculture au Maroc bat son plein, interview avec deux chercheuses marocaines sur l’importance des réseaux de collaboration pour le développement et la recherche agricole.
Étudiants et enseignants marocains et français à la faculté polydisciplinaire de Larache, qui relève de l’université Abdelmalek Essaadi © DR
Étudiants et enseignants marocains et français à la faculté polydisciplinaire de Larache, qui relève de l’université Abdelmalek Essaadi © DR

Étudiants et enseignants marocains et français à la faculté polydisciplinaire de Larache, qui relève de l’université Abdelmalek Essaadi © DR

L'essentiel
  • Au Nord comme au Sud de la Méditerranée, les écosystèmes sont très similaires. Entre réchauffement climatique, crise hydrique ou chute de la biodiversité, l'agriculture méditerranéenne aura plus de chance de s'adapter en favorisant les échanges entre territoires.
  • Les partenariats de recherche jouent un rôle prépondérant dans la diffusion des solutions et des innovations. Des collaborations qui reposent sur la formation des jeunes, la mobilité des scientifiques, et sur la solidarité et la confiance entre instituts.

Plusieurs projets de recherche et développement profitent du SIAM de Meknès pour échanger sur leurs résultats et discuter des perspectives. L’occasion aussi de rencontrer des partenaires potentiels et renforcer les collaborations déjà existantes.

Zhour Bouzidi et Salama El Fatehi sont enseignantes chercheuses, respectivement à l’université Moulay Ismaïl de Meknès et à l’université Abdelmalek Essaadi de Larache. Les deux scientifiques travaillent au sein d’équipes internationales de recherche depuis le début de leur carrière. Le Cirad a la chance de pouvoir les compter comme membres de son réseau de partenaires, et de bénéficier de leur expertise. Point avec elles sur la nécessité des collaborations scientifiques internationales, à la fois comme gage de qualité des études, mais aussi pour la formation des chercheuses et chercheurs de demain.

Salama El Fatehi (à gauche) et Zhour Bouzidi (à droite) sur le Pavillon France, lors du Salon international de l'agriculture au Maroc © DR

Salama El Fatehi (à gauche) et Zhour Bouzidi (à droite) sur le Pavillon France du Salon international de l'agriculture au Maroc (17e édition à Meknès, avril 2025) © DR

« Il n’y a pas de recherche sans partenariat »

Salama El Fatehi © DR

Salama El Fatehi © DR

Salama El Fatehi est biologiste et généticienne. Elle est enseignante chercheuse à la Faculté Polydisciplinaire de Larache, à l’université Abdelmalek Essaadi. La scientifique participe au projet ARISER, sur l’accès à la diversité cultivée et son rôle dans la résilience des agro-écosystèmes, projet financé par l’Union européenne et coordonné par le Cirad.

Les projets de recherche sont toujours construits en partenariat. Pourquoi selon vous ? En quoi ces coopérations entre institutions scientifiques sont-elles gage de sérieux ?

Salama El Fatehi : En recherche, le partenariat est synonyme de partage d’idées. Au-delà des échanges entre disciplines, échanger avec d’autres institutions scientifiques implique forcément de confronter des champs de vision, des méthodes, des expériences. Ce partage de savoirs est essentiel car il nous ouvre des perspectives sur les manières dont on aborde nos questions de recherche. La Faculté Polydisciplinaire de Larache travaille sur les enjeux agricoles, environnementaux et de développement rural. Nous sommes sur les mêmes thématiques que le Cirad, mais avec des approches différentes. Travailler ensemble nous permet d’avancer de manière complémentaire, et c’est ce que nous faisons dans le cadre du projet ARISER.

Les aspects logistiques et organisationnels sont certainement l’une des contraintes majeures pour les partenariats internationaux. La France et le Maroc ont des fonctionnements administratifs différents, et chaque institut suit ses propres règles de gestion financière. Dans certains cas, ces différences peuvent freiner l’avancement de projets de recherche. Il est donc important de maintenir une relation de qualité afin d’assurer un bon déroulement des études, et de bonnes conditions de travail pour tout le monde.

« La formation des jeunes chercheurs doit être au cœur des démarches partenariales »

Zhour Bouzidi © DR

Zhour Bouzidi © DR

Zhour Bouzidi est sociologue et ingénieure agronome. Elle est enseignante chercheure à l’université Moulay Ismaïl de Meknès. Elle est responsable du projet eGroundwater pour les travaux au Maroc, projet financé par l’Union européenne et coordonné par l'Institut d'ingénierie de l'eau et de l'environnement (IIAMA) de l’Université polytechnique de Valences, en Espagne.

Votre carrière scientifique, comme pour de nombreux chercheurs, a été marquée par des échanges internationaux. Vous militez pour renforcer encore ces dispositifs. Quels en sont les enjeux, selon vous ?

Zhour Bouzidi : Mon parcours scientifique d’étudiante, puis d’enseignante chercheure, a été marqué par des échanges scientifiques entre le Maroc, la France et d’autres pays. Mon mémoire de fin d’étude à l’École nationale d'agriculture de Meknès a été réalisé dans le cadre du dispositif en partenariat SIRMA « Systèmes irrigués au Maghreb ». Grâce à une bourse obtenue via ce dispositif, j’ai pu faire un master à Paris et ensuite une thèse à Nanterre. Le réseau SIRMA réunit aujourd’hui des scientifiques d’horizons disciplinaires variés, jeunes et moins jeunes, du Maroc, d’Algérie, de Tunisie et de France. Depuis mon intégration à l’université Moulay Ismaïl, en 2013, le partenariat s’est encore étendu : conférences, manifestations scientifiques, projets de recherche, co-encadrements de masters et de thèses… Ces coopérations sont cruciales pour faire en sorte que les activités de recherche et d’enseignement se nourrissent mutuellement.

Dans le cadre de la collaboration avec le Cirad, nous mettons en place, entre autres, des stages collectifs pour les étudiants et des ateliers d’écriture scientifique pour les jeunes chercheurs. Ces plateformes fonctionnent comme des pépinières pour les jeunes talents marocains et français intéressés par les questions rurales et agricoles. Ces partenariats encouragent les mobilités des étudiants et des enseignants, ainsi que le partage d’expériences entre chercheurs des deux pays. Les regards croisés de différentes générations et de disciplines diverses ouvrent des débats et enrichissent les approches et les perspectives scientifiques. Et in fine permettent de mieux appréhender les enjeux de nos sociétés contemporaines.

La solidarité et la confiance, fondations pour des partenariats de qualité et pérennes

Salama El Fatehi : La pérennisation des collaborations passe forcément par l’entente des partenaires. Le travail doit pouvoir se faire par plaisir et suivre un objectif d’excellence scientifique. On a donc intérêt à construire des relations solides, qui permettent aussi des flexibilités en termes de gestion financière ou administrative.

Les aspects de formation, comme soulignée par ma collègue Zhour Bouzidi, sont primordiaux et nous permettent de construire ces relations dès le début des carrières scientifiques. La Faculté Polydisciplinaire de Larache facilite ainsi les mobilités des étudiants à l’international, et propose par exemple à des étudiants français d’instituts partenaires des visites de terrain sur des exploitations marocaines. 

Zhour Bouzidi : La force de partenariat avec le Cirad est son caractère multidimensionnel, qui conjugue recherche-action, formation des jeunes, mobilité et échanges entre chercheurs. Tout cela dans une perspective interdisciplinaire qui interroge en permanence les rapports sciences et sociétés. En plus des relations scientifiques, les rapports humains se construisent pour se traduire en relations de confiance et d’amitiés, ce qui rend encore plus vigoureux et plus durables les réseaux scientifiques et plus agréable le travail d’équipe. L’enjeu est donc de continuer à encourager ce type de collaboration et de miser, en plus de la recherche-action, sur la formation des jeunes et sur la mobilité des étudiants comme des chercheurs.

Le mot du Cirad : s’unir face à des défis communs

Sandrine Dury, directrice régionale du Cirad pour la zone Méditerranée, Moyen-Orient et pays des Balkans, représentante INRAe et Agreenium : « En termes d’agriculture, les territoires du pourtour méditerranéen font face aux mêmes enjeux. La nature est similaire, avec des oliviers, du blé dur… La question de l’eau est prégnante au Sud comme au Nord, à l’Est comme à l’Ouest. Renforcer les réseaux d’échanges scientifiques, c’est unir nos forces pour trouver des solutions à nos problèmes communs.
Le , co-financé par l’Union européenne et des agences nationales de recherche, vise justement à rassembler les pays de la Méditerranée face aux enjeux communs. Selon un principe d’égalité, ils définissent ensemble des programmes de recherche à impact dans les domaines de la gestion de l'eau et des systèmes agricoles et alimentaires durables. Ce programme permet à des équipes scientifiques du Nord et du Sud d'être financées et de créer un réseau de connaissances et de relations pour innover. »