Résultats & impact 10 avril 2025
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- Renforcer les filières semencières dans l'océan Indien
Des semences de qualité pour les agriculteurs malgaches
Semences d’une des nouvelles variétés de maïs développées dans le cadre du projet Food-Sec Semence © M. Rananja, Cirad
L'essentiel
- En tout, quatre variétés de maïs et de haricot ont été homologuées à Madagascar suite au projet Food-Sec Semence. Ces nouvelles variétés s'adaptent mieux aux sols arides, et résistent mieux aux maladies et aux ravageurs.
- Outre la production de semences améliorées, le projet s'est attelé à renforcer la filière semencière via le transfert d'outils et de connaissances, mais aussi le financement de nouvelles infrastructures comme des serres.
- Food-Sec Semence a déployé des actions à Madagascar, Maurice, aux Comores et aux Seychelles. Pour ces quatre pays de l'océan Indien, l'accès et la disponibilité en semences saines et de qualité est un enjeu de sécurité alimentaire.
« Grâce au projet Food-Sec Semence, on a pu augmenter de manière exponentielle la disponibilité de semences au sein du Fofifa. Si au début du projet on avait 7 kg de maïs, actuellement on a déjà pu produire 30 tonnes qui ont déjà été distribuées dans les différentes régions de Madagascar et principalement au sud. » Santatra Ravelomanantsoa est coordinatrice du projet Food-Sec Semence et scientifique au Fofifa, l’institut de recherche malgache dédié au développement rural de l’île.
Dans un pays où les semences sont traditionnellement autoproduites par les paysans locaux avec des moyens très limités, entraînant une difficulté à maintenir la qualité des semences d’une génération à une autre, le projet Food-Sec Semence a contribué à la professionnalisation des filières de production de semence de quatre produits : le maïs, le haricot, le manioc et la pomme de terre. Les objectifs comprenaient la production de nouvelles variétés plus performantes et adaptées aux conditions locales, l’augmentation de la production de semences et le renforcement des capacités des producteurs locaux à travers la collaboration avec les organisations paysannes afin que la dynamique puisse perdurer même à l’issue du projet.
Les travaux de Food-Sec Semence ont concerné quatre pays de l’océan Indien : Madagascar, Maurice, Comores et Seychelles. Le projet a été cofinancé par le Cirad et l’Union européenne. Le financement de l’Union européenne, d’un montant de deux millions d’euros, s’est inscrit dans le cadre du programme régional de sécurité alimentaire et nutritionnelle dans l’océan Indien (SANOI), mis en œuvre en partenariat avec la Commission de l’océan Indien. Stéphanie Druguet, chargée du programme SANOI à la Délégation de l’Union européenne à Maurice, rappelle les enjeux cruciaux pour la zone : « La semence est le point de départ de la production agricole. Or la faible disponibilité en semences de qualité constitue actuellement un goulot d’étranglement pour les producteurs. Il est donc essentiel de soutenir la production locale de semences, en renforçant les performances des systèmes semenciers des pays de l’océan Indien. »
De nouvelles variétés plus performantes inscrites au catalogue national
À Madagascar, deux variétés de maïs et deux variétés de haricots ont été produites dans le cadre du projet Food-Sec Semence. Elles ont été homologuées par le Service officiel de contrôle des semences et matériel végétal et remises officiellement aux organisations faîtières le 18 mars 2025. Ces variétés présentent des performances avérées : des expérimentations et des tests d’adaptabilité ont été réalisés sur plusieurs années, à la fois sur la station de Kianjasoa gérée par le Fofifa, mais aussi chez différents paysans membres de l’association Ceffel.
Les deux nouvelles variétés de maïs ont été introduites et inscrites au catalogue national. Celles-ci, en plus de supporter le stress hydrique et de s’adapter aux sols pauvres et arides, présentent également des caractéristiques de résistance face à la maladie virale MSV, aussi connue sous le nom de virus de la striure du maïs. Elles tolèrent mieux certains ravageurs, comme les chenilles légionnaires, grandes ennemies des cultures de maïs à Madagascar. En termes de rendement, ces variétés démontrent un potentiel atteignant sept tonnes à l’hectare si tous les protocoles de cultures sont respectés, contre trois à quatre tonnes/ha pour les variétés traditionnelles.
Pour le haricot, trois variétés locales ont été travaillées, dont deux actuellement inscrites au catalogue national. Ces variétés se distinguent par leur teneur en éléments nutritifs, notamment en fer et en protéines, des caractéristiques essentielles pour renforcer la sécurité alimentaire dans le sud de Madagascar, région pour laquelle ce produit se destine en priorité. La variété nommée « Ran’omby 5 » se démarque par un cycle plus court permettant de profiter des récoltes au bout de 90 jours. La variété « Ikinimba Fofifa » excelle quant à elle en termes de rendements, pouvant atteindre quatre tonnes à l’hectare, contre 400 à 500 kg/ha pour les variétés traditionnelles. Elles ont une tolérance à l’anthracnose, à la tache angulaire et à la rouille, ainsi qu’aux sols pauvres de type ferrallitique.
Quatre variétés de manioc ont été produites par le Fofifa, et trois variétés de pommes de terre, par le Fifamanor. Toutes sont plus résistantes aux maladies et à plus haut rendement. Elles ont été diffusées auprès des agriculteurs et leur processus d’homologation est en cours
« Il y a plusieurs façons de mesurer la qualité des semences. Au sein du projet Foodsec, nous avons donné une importance particulière à la pureté génétique, la résistance aux maladies, la capacité d’adaptation au changement climatique et le bon taux de germination. » Santatra Ravelomanantsoa, coordinatrice du projet Food-Sec Semence au Fofifa.
Renforcement de capacités
En plus de travailler directement sur les semences, le projet Food-Sec Semence a également apporté des renforcements de capacités aux partenaires scientifiques malgaches et aux producteurs locaux à travers la collaboration avec six organisations paysannes.
Grâce au projet, les laboratoires du département recherche agronomique du centre national de recherche appliquée au développement rural (Cenraderu/Fofifa) ont été améliorés et équipés de nouveaux matériels. Deux serres d’expérimentation anciennement délabrées ont également été rénovées pour être utilisées dans le cadre des recherches sur l’aspect variétal des semences.
En termes de renforcement de compétences, plus de 400 paysans issus des régions Vakinankaratra, Itasy et Analamanga ont bénéficié de formations sur la production durable de semences de qualité. Conduites en collaboration avec les centres de formation du Ceffel, l’association pour le progrès des paysans du Fifata, ces transferts de connaissances concernaient principalement les pratiques agroécologiques. Objectif : aider les agriculteurs à identifier des solutions pour une production plus respectueuse de l'environnement et résiliente face au changement climatique. Ces formations ont par exemple porté sur l’utilisation des fertilisants et les techniques de lutte contre les bioagresseurs, particulièrement la chenille légionnaire.
« Les renforcements de compétences qu'on a pu avoir à Madagascar, mais aussi dans les îles voisines comme à Maurice et à La Réunion, sont très importants pour nous en tant que membres d'organisations paysannes. Étant les acteurs présents sur le terrain, ces renforcements de compétences nous ont dotés des outils nécessaires pour poursuivre et pérenniser les initiatives engagées dans le cadre du projet. Nous espérons vivement que ce projet connaîtra une suite, afin de continuer ensemble les efforts entrepris. » Andry Rasamimanana, Responsable centre Ceffel - Fifata
Des échanges entre les îles de l’océan Indien
Au-delà de Madagascar, le projet Food-Sec Semence a également œuvré pour les filières semencières de l’île Maurice, des Comores et des Seychelles. Si ces quatre pays partagent leur caractère insulaire ainsi qu’une proximité géographique, les contextes agricoles restent relativement différents. Le projet a dû s'adapter aux particularités de chaque terrain tout en favorisant la diffusion d’innovations, de pratiques ou d’outils.
« Aux Comores, tout comme à Madagascar, les faibles revenus des ménages ruraux ne leur permettent pas d’acquérir des semences de qualité, détaille Jérémy Salinier, coordinateur du projet Food-Sec Semence au Cirad à la Réunion. Les agriculteurs des Seychelles ou de Maurice y ont quant à eux accès, mais on y a observé une grande dépendance aux importations de semences. Ces deux pays sont donc plus facilement impactés en cas de souci de livraison, comme ça a pu être le cas lors de la pandémie de covid-19. Et à cela, il faut ajouter que les variétés souvent importées d’Asie du Sud-Est ou d’Europe ne sont pas adaptées au climat ou aux conditions locales. » L’autoproduction de semences, qui est de mise aux Comores comme à Madagascar, soulève d’autres défis, et notamment d’ordre sanitaire. Les espèces qui se multiplient par bouture ou tubercule sont par exemple sujettes à la contamination par virus.
Des diagnostics différenciés ont permis d’établir des feuilles de route adaptées aux territoires. Par exemple pour Maurice, le projet Food-Sec Semence s’est davantage axé sur le développement et l’amélioration de semences de haricot et de pomme de terre, en accord avec le FAREI, l’Institut de recherche alimentaire et agricole et de vulgarisation de l’île.
Des protocoles nationaux qui n’ont cependant pas empêché la collaboration régionale, dynamisée par le projet. Stéphanie Druguet souligne ainsi que « chaque pays a travaillé sur des variétés correspondant à ses besoins, mais le projet a aussi inclus des échanges régionaux de matériel végétal. Le FAREI à Maurice a par exemple envoyé des variétés de pommes de terre à l’INRAPE aux Comores, afin qu’elles soient testées et adaptées au contexte local ».
Food-Sec Semence a par ailleurs mis sur pied un réseau de partenaires régionaux sur les semences, que les membres espèrent voir se maintenir en dehors du projet. Et au-delà du matériel génétique, des transferts de technologies ont eu lieu avec La Réunion, autour notamment de l’acquisition de machines LAMP. Cet outil de biologie moléculaire sert d’analyse rapide de l’ADN et permet d’effectuer des diagnostics sur les plantes. Une méthode très développée à La Réunion, et qui s’avère utile pour réduire les risques sanitaires lors de la production ou du transfert des semences.
En cinq ans, le projet a donc permis de belles avancées. « Le projet a produit de bons résultats, confirme Stéphanie Druguet. L’Union européenne encourage la poursuite de ces actions permettant d’améliorer l’accès des producteurs de la région à des semences de qualité. » Les partenaires travaillent déjà sur des suites, notamment sur la diffusion des nouvelles semences auprès des agriculteurs.