Riz pluvial et rizipisciculture, des solutions durables pour la sécurité alimentaire

28/04/2025
La création variétale apparaît comme une solution durable permettant à la fois de lutter contre les maladies végétales mais également de repousser les limites des surfaces cultivables par l'adaptation des variétés aux conditions d'altitude. Depuis les années 80, le Cirad et le Fofifa travaillent sur cette phase en amont de la riziculture afin d'améliorer la sécurité alimentaire des paysans tout comme leur revenu, le riz constituant l'aliment de base à Madagascar. D'un autre côté, la diversification étant un élément clé de la résilience des cultures, les chercheurs travaillent depuis deux ans sur la synergie riz-poisson au niveau des parcelles irriguées afin d'améliorer les techniques en rizipisciculture et d'en optimiser le rendement autant pour le poisson que pour le riz. Les avancées de recherche sur ces deux sujets ont été partagées durant deux journées portes ouvertes organisées dans le cadre du projet Dinaamicc, les 3 et 4 Avril dernier. Ce projet financé par l'Union européenne constitue un tremplin pour le renforcement des collaborations avec les organisations paysannes et la diffusion des produits de recherche à un échelle plus large.
Des blocs de parcelle test à Antsirabe © M. Rananja, Cirad
Des blocs de parcelle test à Antsirabe © M. Rananja, Cirad

Des blocs de parcelle test à Antsirabe © M. Rananja, Cirad

Le Cirad et le Fofifa unissent leurs expertises depuis plusieurs années pour faire progresser la riziculture pluviale sur les hautes terres malgaches. Dans ces zones où les sols sont majoritairement pauvres et les conditions rudes, les chercheurs travaillent à la mise au point de variétés de riz pluvial adaptées aux situations paysannes, une solution durable pour améliorer les rendements et renforcer la sécurité alimentaire malgré les défis qui évoluent. 

C'est réjouissant de voir que dans la région que dans la région Vakinankaratra par exemple, presque toutes les terres sont utilisées pour la culture du riz et d'autres produits. Et on a pu voir qu'avec les nouvelles variétés produites par la recherche, le riz pluvial peut atteindre des rendements similaires à ceux du riz irrigué.

Tahina Rambolarimanana
Représentant du Secrétariat d'Etat en charge de la souveraineté alimentaire à Madagascar

Parallèlement, la rizipisciculture — l’association de la culture du riz avec l’élevage de poisson — offre une alternative durable pour mieux exploiter les rizières irriguées tout en renforçant la sécurité alimentaire. Cette pratique, promue avec succès par l’ONG APDRA, mais peu étudiée jusqu’ici dans sa dimension rizicole, fait depuis deux ans partie des sujets travaillés par le Cirad.

Dans le cadre du projet DINAAMICC (Développement intégré et accompagnement pour une agriculture familiale à Madagascar innovante et résiliente aux changements climatiques), financé par l’Union européenne, ces pratiques sont développées et diffusées au niveau local à travers des collaborations avec les organisations paysannes (OP).

Visite d'une parcelle paysanne lors des journées portes ouvertes à Antsirabe © L. Fertin, Cirad

Visite d'une parcelle paysanne lors des journées portes ouvertes à Antsirabe © L. Fertin, Cirad

Deux journées portes ouvertes ont été organisées les 3 et 4 avril 2025 afin de partager aux partenaires et bailleurs les avancées sur ces deux thématiques.

Le riz pluvial, quel intérêt pour les Hautes Terres de Madagascar?

Riz pluvial  © M.Rananja, Cirad

Riz pluvial  © M.Rananja, Cirad

Depuis près de trois décennies, le Cirad et le Fofifa travaillent main dans la main pour adapter la riziculture pluviale aux conditions particulières des hautes terres malgaches. Grâce à ce partenariat, des variétés spécifiquement développées pour les « tanety » de ces zones ont été mises au point, représentant aujourd’hui plus de 90 % des variétés de riz pluvial qui y sont cultivées.

Les défis sont nombreux : la faible fertilité des sols, la sécheresse en début de cycle, les problèmes de froid, les maladies comme la pyriculariose ou le bacterial leaf blight (BLB) récemment apparu à Madagascar, et également les attaques de striga, une mauvaise herbe redoutable. Et de nouvelles problématiques viennent intensifier ces défis. C’est dans ce contexte que la recherche propose des solutions adaptées aux contextes locaux via des approches participatives.

La création variétale s’appuie sur des travaux menés en station et également en milieu paysan, à travers une approche de sélection participative. Les producteurs testent les nouvelles lignées et contribuent à choisir celles qui répondent le mieux à leurs contraintes.

Ce qu’il y a de plus pertinent dans la démarche, c’est vraiment la collaboration avec les chercheurs qui viennent sur le terrain pour identifier les vrais problèmes qui touchent les paysans. Et quand la recherche concerne directement leurs besoins, les paysans sont naturellement motivés pour participer que ce soit d’abord pour les tests des variétés, puis l’adoption et la diffusion de ces solutions co-construites.

Andry Rasamimanana
Responsable du Centre Ceffel-Fifata

Dans ce sens, plus de 200 producteurs participent dans le cadre du projet DINAAMICC à des essais variétaux décentralisés, permettant de croiser les conditions agroécologiques locales et les pratiques paysannes avec les caractéristiques des variétés testées. Et le projet DINAAMICC facilite également la diffusion de ces variétés en s’appuyant sur des réseaux paysans comme FIFATA, actif sur tout le territoire avec plus de 360 000 exploitations familiales membres.

On croit fermement aux petits réseaux locaux de production de semences, dans lesquels les producteurs dans les mêmes villages peuvent produire la semence et la proposer à leurs voisins, dont d’abord aux membres des OP auxquelles ils appartiennent.», précise Sergio Castro Pacheco, chercheur en riziculture au Cirad.

Sergio Castro Pacheco
Chercheur, sélectionneur de riz au Cirad

Comment avoir plus de riz et de poisson en même temps?

La rizipisciculture constitue une pratique agroécologique prometteuse, alliant pisciculture et culture de riz irrigué dans une même rizière. Cette approche a plusieurs avantages : elle permet d’intensifier durablement la production agricole, de diversifier les sources de revenus et d’améliorer l’alimentation des ménages. 

C’est une solution doublement bénéfique : on a du riz, mais aussi des protéines animales... et le poisson contribue même à améliorer les rendements en riz.

Anne Perinelle, Chercheuse
Chercheuse en agronomie système au Cirad
Un paysan sur une parcelle rizipisccole © L. Fertin, Cirad

Un paysan sur une parcelle rizipisccole © L. Fertin, Cirad

Si l’expertise piscicole est bien développée à Madagascar, notamment grâce au travail de l’APDRA, peu d’études ont jusqu’à récemment été menées sur l’optimisation du riz dans ces systèmes combinés. C’est dans ce cadre que le Cirad a lancé des essais visant à comprendre et renforcer les interactions positives entre riz et poisson et ce, en s’intéressant davantage aux variétés de riz irrigué utilisées et aux techniques culturales, notamment la fertilisation.

Ces recherches sont aussi menées en collaboration avec les organisations paysannes, afin de développer des pratiques reproductibles et accessibles à une majorité de petits producteurs.

Des journées portes ouvertes pour valoriser la co-construction de solutions locales

Afin de partager les avancées et impacts de ces recherches, deux journées portes ouvertes ont été organisées à Antsirabe les 3 et 4 avril 2025 dans le cadre du projet DINAAMICC. Ces journées ont réuni chercheurs, représentants de l’État, bailleurs, organisations paysannes et partenaires techniques.

Le projet DINAAMICC se distingue par son approche participative. Il valorise la complémentarité entre savoirs paysans et connaissances scientifiques. En associant les agriculteurs dès la phase d’expérimentation, les pratiques proposées sont mieux comprises, mieux adaptées et plus facilement adoptées.

On est une recherche qui n’est pas du tout déconnectée du monde paysan ; au contraire, on teste chez les paysans, on discute avec eux et avec les acteurs du développement ; on s’enrichit mutuellement et l’idée c’est de trouver des solutions qui sont réellement adaptées aux différents contextes.

Bertrand Muller
Coordinateur du projet Dinaamicc

Des visites de sites paysans, de laboratoires et de stations expérimentales ont permis de découvrir les innovations en matière de riz pluvial et de rizipisciculture. Un programme riche d’échanges a permis de croiser les regards entre producteurs, techniciens, scientifiques, bailleurs et représentants de l’Etat.

 

Chercheurs, partenaires et paysans lors de la visite de la station d'expérimentation d'Andranomanelatra © M. Rananja, Cirad

Chercheurs, partenaires et paysans lors de la visite de la station d'expérimentation d'Andranomanelatra © M. Rananja, Cirad

C’est réellement intéressant de voir que les gens travaillent ensemble au niveau du territoire pour rechercher les réponses aux questions qui se posent face aux défis du changement climatique, on a beaucoup parlé de semences et on a pu voir les efforts entrepris pour arriver à sélectionner les variétés de riz, à les tester en milieu paysan et à les transférer via les organisations paysannes. C’est vraiment quelque chose qu’il faut suivre de près. 

Eulade Mboneye
Chargé de programme à la délégation de l'Union européenne à Madagascar