Sénégal : Construire le territoire agroécologique de la Basse-Casamance à l’horizon 2050

27/03/2025
Quelle stratégie territoriale à 25 ans, pour que la Basse-Casamance devienne un hub agroécologique en 2050 ? Telle est l'interrogation qu'une cinquantaine d'experts ont tenté de répondre lors d’un atelier d’idéotypage organisé par le collectif Potentiels de résilience et d’autodétermination des territoires agroécologiques menacés (Pratam), du 18 au 22 mars 2025 à Cap Skirring au Sud du Sénégal. Cette initiative du Cirad vise à définir des solutions agroécologiques durables pour ce terroir. Afin de permettre un tel futur, de nombreux sujets ont été abordés, comme la gouvernance halieutique, la valorisation des produits du terroir, la vulgarisation des pratiques agroécologiques et la valorisation des espaces forestiers.
Participants de l'atelier d'idéotypage en travail, à Cap Skirring au Sénégal
Participants de l'atelier d'idéotypage en travail, à Cap Skirring au Sénégal

Participants de l'atelier d'idéotypage en travail, à Cap Skirring au Sénégal. © R. Belmin, Cirad

La Basse-Casamance, un territoire agroécologique menacé

Considérée comme le grenier du Sénégal, la Basse-Casamance est pour beaucoup d’experts un exemple de territoire agroécologique. Située entre la Gambie et la Guinée-Bissau, cette région jouit d’un climat plus humide que dans le reste du pays et d’un milieu quasi amphibie en raison d’une pénétration profonde du fleuve Casamance dans les terres. Grâce à ces conditions uniques, la région bénéficie d’une grande fertilité et d’importantes productions agricoles tout en préservant une riche biodiversité.

Les populations de la Basse-Casamance vivent dans un terroir alternant forêts nourricières, mangroves et plaines rizicoles. Elles ont su préserver cet environnement grâce à une combinaison d’activités productives, récréatives et spirituelles encadrées par des institutions coutumières solides. L’isolement géographique et les crises ont renforcé le poids des institutions locales et ont permis à la région de réguler les dérives de la modernité industrielle.

Ces constats ont poussé les chercheurs décrire la Basse-Casamance comme un véritable “territoire agroécologique” avec un riche patrimoine matériel et immatériel ainsi qu’un héritage d’une ancienne société agraire valorisant le territoire. Cependant, cet équilibre fait face au dérèglement climatique et à des menaces anthropiques tel qu’une utilisation excessive de pesticides et la monoculture.

Afin de préserver ce magnifique territoire agroécologique, plus de cinquante experts se sont réunis avec des acteurs et élus locaux à Cap Skirring du 18 au 22 mars 2025 dans l’objectif de coconstruire des solutions agroécologiques pour le terroir.

Identification du futur désirable pour la Basse-Casamance

Organisé par le collectif Pratam, l’atelier s’est basé sur une méthode collaborative de “visioning” nommée idéotypage. Cette méthode consiste à imaginer le futur désiré d’un système agricole, alimentaire ou d’un territoire pour répondre aux enjeux globaux de durabilité. Si de nombreux exercices similaires ont été menés dans d’autres régions du Sénégal à l’instar de Fatick, la méthode a néanmoins été adaptée aux spécificités du contexte naturel et culturel de la Basse-Casamance. Cet exercice d’idéotypage a bénéficié de la présence des élus et acteurs locaux qui ont pu faire part de leurs inquiétudes, attentes et pistes de réflexions. Cet atelier est le prélude d’une stratégie territoriale à 25 ans, pour que la Basse-Casamance devienne un hub agroécologique en 2050.

Identification des problèmes et solutions, Cap Skirring Sénégal

Identification des problèmes et solutions, Cap Skirring Sénégal. © R. Belmin, Cirad

Durant cinq jours d’affilée, les participants de l’atelier ont pu définir et imaginer un futur désirable, durable et résilient pour leur territoire. Une fois ce futur souhaité clairement défini, ils ont pu identifier les actions nécessaires et les changements radicaux et systémiques à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif. Ce processus d’identification s’est notamment appuyé sur des innovations de natures variées (techniques, organisationnelles et institutionnelles) dans divers domaines tel que l’aménagement du territoire et les politiques publiques.

Lors de cet atelier, la cinquantaine de participants a été répartie en quatre groupes de travail, chaque groupe évoluant de manière indépendante. Les résultats et leçons proposés par chaque groupe ont ensuite été mis en commun avec l’ensemble des participants qui ont pu en débattre. L’un de ces groupes de travail a notamment rédigé une courte déclaration résumant leur vision d’avenir pour le territoire : "En 2050, la Basse-Casamance sera un territoire agroécologique qui valorise son patrimoine naturel, culturel et cultuelle pour assurer la souveraineté alimentaire, la résilience climatique et le développement économique durable des communautés locales."

Quelle contribution de Pratam pour une Basse-Casamance agroécologique ? 

Atelier idéotypage à Cap Skirring au Sénégal

Atelier idéotypage à Cap Skirring au Sénégal. © R. Belmin, Cirad

L’“Atelier d’idéotypage de territoire agroécologique pour la région Basse-Casamance" s’intègre dans le cadre de la dynamique de recherche-action Pratam (Potentiels de Résilience et d’Autodétermination des Territoires Agroécologiques Menacés) qui associe depuis 2024 le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), l’, le , l’, le Centre CREATES et l’.

L’objectif du collectif est d’accompagner les acteurs de la Basse-Casamance vers la conservation et la valorisation du patrimoine matériel et immatériel. Pratam vise notamment à produire des connaissances sur le territoire agroécologique de Basse-Casamance, contribuer à une reconnaissance de la valeur exceptionnelle de ce territoire mais également lancer un débat académique et socio-politique sur les territoires agroécologiques face aux dérives de la modernité industrielle.

Les membres du collectif Pratam :

  1. ÈȲ©ÌåÓý : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement 
  2. INRAE : Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement
  3. ISRA BAME : Bureau d’analyses macro-économiques (BAME) de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) 
  4. Université Assane Seck de Ziguinchor 
  5. Université de Berne 
  6. Centre CREATES : Centre de recherches, d’enseignements et d’actions sur les transformations écologiques et sociales 
  7. ETDS : Économie territoire et développement services 
  8. ASAPID : L’Association d’appui aux initiatives de paix et de développement 
  9. CEDAF Oussouye : Centre départemental d’assistance et de formation pour la femme d’Oussouye 
  10. Royaume d’Oussouye
  11. DyTAEL de Bignona : Dynamique de transition agroécologique locale de Bignona 
Photo de famille, Atelier idéotypage pour la Basse-Casamance à Cap Skirring au Sénégal

Photo de famille, Atelier idéotypage pour la Basse-Casamance à Cap Skirring au Sénégal. © R. Belmin, Cirad