La sédentarisation des éleveurs transhumants entraîne la privatisation des ressources et la baisse de la fertilité des sols dans la ceinture cotonnière de l'Afrique de l'Ouest

11/12/2023
La baisse de la fertilité des sols et la sédentarisation des éleveurs sont des sujets qui animent le monde politique et scientifique dans les pays de l’Afrique de l’ouest et en particulier le Bénin. Un certain nombre de chercheurs (Unité de recherche AÏDA, université de Parakou, Institut de Recherche sur le Coton, Université de Groningen) ont souhaité aborder la question avec les acteurs ruraux dans le but d’avoir leur perception. Les résultats obtenus de cette étude ont été publié dans la revue "Frontiers in sustainabilty and food systems".

Carte cognitive floue représentant les perceptions des agriculteurs sur les processus qui conduisent à la baisse de la fertilité des sols (le nombre sur chaque flèche indique l'importance relative de chaque facteur © A. Dossouhoui, Cirad

Une discussion a été engagé avec les agriculteurs, éleveurs et agents d’encadrement dans trois commune cotonnière du Bénin (Kandi, Pehunco, Savalou). Un total de 17 facteurs de dégradation de la fertilité des sols a été identifiés et classé par ordre de priorité par ces acteurs. Leur importance relative varie selon les différents types d'acteurs et selon les sites. Les facteurs les plus cités par tous les acteurs, sont ceux dont la fréquence relative est >20% et l'importance relative >5% :

  • Le travail du sol (fréquence : 66,7% ; importance : 22,9%) ;
  • La monoculture (66,7% ; 27,5%) ;
  • La surexploitation des terres (66,7% ; 17,3%) ;
  • L'utilisation excessive d'intrants chimiques (66,7% ; 36,3%) ;
  • L'érosion des sols (33,3% ; 6,7%) ;
  • Le brûlage des champs agricoles (33,3% ; 6,7%) ; et :
  • Le manque d'apport de matière organique au sol (22,2% ; 5,9%).

Atelier participatif avec les agriculteurs, © A. Dossouhoui, Cirad

La sédentarisation a entraîné la disparition des exploitations spécialisées dans une seule activité agricole et l'apparition d'exploitations mixtes.

La prépondérance croissante des exploitations mixtes entraîne une forte concurrence pour le fumier, les zones de pâturage et les ressources alimentaires, ce qui se traduit par une diminution des apports de matières organiques dans le sol. Les accords et les échanges traditionnels (fumier contre résidus de culture) entre les éleveurs et les agriculteurs se sont donc amenuisés, ce qui tend à réduire les flux de nutriments entre le bétail, les cultures vivrières et la principale culture commerciale de la région : le coton.
En menaçant la culture du coton, la sédentarisation et l'expansion non organisée des exploitations mixtes culture-élevage qui en découle peuvent avoir des effets négatifs directs et indirects sur la sécurité alimentaire locale. Dans un contexte climatique, socio-économique et institutionnel aussi difficile (incertain et changeant), les systèmes de culture et d'élevage doivent être transformés pour s'adapter et assurer leur viabilité. Les politiques de sédentarisation ont évolué en réponse aux conflits, mais sans redéfinition parallèle des agroécosystèmes, ce qui a entraîné une "tragédie des biens communs" en termes de ressources en matières organiques. La recherche et les politiques doivent trouver de nouveaux compromis entre le pastoralisme sédentaire et l'agriculture, car l'élevage et la production végétale ne peuvent être déconnectés ou menés séparément.
Ces travaux ont été financés dans le cadre du projet de Transition Agroécologique des Zones Cotonnières du Bénin (TAZCO2) financé par l’Agence Française de Développement (AFD).