Des méthodes innovantes pour un aménagement durable des bas-fonds

21/06/2023
Une expertise régionale a été mobilisée par l’unité mixte de recherche « Gestion de l’Eau, Acteurs, Usages » (UMR GEAU) » dans le cadre du « Comité Scientifique et Technique Eau Agricole » (COSTEA) mis en place par l’Agence Française de Développement (AFD) et du « Programme d’Appui Régional à l’Initiative pour l’Irrigation au Sahel » (PARIIS) coordonné par le secrétariat exécutif du « Comité Inter-état de Lutte contre la Sécheresse au Sahel » (CILSS). Elle aura permis de mettre à jour les approches dédiées à la conception des aménagements de bas-fonds qui représentent l’un des potentiels importants du développement des cultures irriguées en Afrique de l’Ouest.
Casiers rizicoles dans le bas-fond aménagé de Bankandi (Province du Ioba, Burkina Faso). © J.-L. Fusillier, Cirad
Casiers rizicoles dans le bas-fond aménagé de Bankandi (Province du Ioba, Burkina Faso). © J.-L. Fusillier, Cirad

Casiers rizicoles dans le bas-fond aménagé de Bankandi (Province du Ioba, Burkina Faso). © J.-L. Fusillier, Cirad

Les bas-fonds des régions soudanienne et sahélienne sont un milieu convoité pour une mise en valeur agricole car ils concentrent des ressources en eau et en sols fertiles. Ce sont des zones humides au potentiel de production intéressant pour la riziculture et le maraichage, mais qui rendent également des services écosystémiques tels que la régulation des écoulements, le pâturage et l’abreuvement des troupeaux en saison sèche, l’hébergement d’une riche biodiversité, la présence de lieux sacrés...  De nombreux programmes d’aménagement ont été mis en œuvre depuis les grandes sécheresses des années 70 et 80 et se poursuivent notamment dans le cadre de l’ «Initiative pour l’Irrigation au Sahel ». Les résultats souvent décevants de ces programmes, la faible durabilité des réalisations ont suscité le besoin d’un renouvellement des approches de conception des aménagements de bas-fonds. Le nouveau contexte de changement climatique et de pression croissante sur les terres milite également pour une évolution des projets.

Le COSTEA, en collaboration avec le PARIIS, a ainsi lancé une expertise collective sur les méthodes de diagnostic pré-aménagement des bas-fonds. Un consortium a réuni des institutions de recherche (Cirad, IRD, IER, INERA, Université de Niamey) et des bureaux d’études (INSUCO, Hydro-Consult Services) pour réaliser 6 études de cas au Burkina Faso, au Mali et au Niger en accompagnement d’aménagements en cours de conception et de réalisation dans le cadre du PARIIS. Les enseignements méthodologiques de ces études ont été présentés au cours d’un atelier régional tenu à Ouagadougou les 14 et 15 mars 2023 avec les maîtrises d’ouvrage, partenaires techniques et financiers, et experts des aménagements de bas-fonds.

Il est ressorti de l’atelier le partage d’une vision commune sur des grands principes d’intervention à promouvoir dans les projets : (i) la durabilité sociale et environnementale, et non seulement la viabilité économique qui est souvent de court terme ; (ii) la participation active des communautés pour la co-construction de « solutions d’aménagement » adaptées ; et enfin (iii) le décloisonnement des disciplines mobilisées dans les études de faisabilité pour aller vers une conception des aménagements intégrant : la gestion agricole et sociale de l’eau et des terres ; et l’approche agri-environnementale tenant compte des multiples enjeux des sites (multifonctionnalité, biodiversité, régulations hydriques, organisation sociale).

L’expertise collective s’est attachée à proposer des méthodes et outils pour rendre opérationnels ces grands principes. Cinq nouvelles approches sont proposées pour les diagnostics pré-aménagement : (i) une approche spatialisée et interdisciplinaire du contexte ; (ii) l’introduction d’un diagnostic environnemental dès la phase d’« Avant-Projet Détaillé » (APD), et non pas seulement en phase post-projet pour l’évaluation des impacts ; (iii) une analyse hydrologique orientée vers une finalité agronomique et de gestion des ouvrages, et non pas limitée à l’estimation de la crue de projet ; (iv) un diagnostic socio-foncier pour un accès équitable au bas-fond ; et (v) l’ajout d’une étude agronomique pour une mise valeur durable, basée sur une connaissance et la valorisation des pratiques paysannes.

La faisabilité de ces démarches complémentaires aux méthodes actuelles de diagnostic pré-aménagement a pu être testée sur les six cas étudiés. Des moyens supplémentaires doivent être dévolus aux études de conception des Projets (APD). Un réagencement des études apparait également nécessaire, notamment pour éviter la déconnection de l’étude APD et de l’étude d’Impact Environnemental et Social, et permettrait d’optimiser les moyens.

Localisation des cas d’études aménagements de bas-fonds du PARIIS

Bas-fond aménagé en casiers avec canaux arroseurs-drains, Lofing (Province du Ioba, Burkina Faso)